La Critique : RUINER
Ruiner est magnifique, un festin sensoriel inspiré par les travaux de l’apogée des années 1980 du cyberpunk et du manga S-F (les travaux de Masamune Shirow, ou encore le cultissime AKIRA). Ici, un protagoniste masqué et silencieux voyage à travers les paysages nocturnes et les jungles industrielles, dans un grit-tech futuriste en 2091. Sous cette enveloppe esthétique se cache un jeu d’action vu du dessus en 3D « isométrique ». La familiarité de son design est compensée par l’envie constante de simplement rester immobile et de contempler le décors. Pourtant, ce n’est vraiment pas le jeu fait pour ! Allons découvrir ensemble ce que Reikon Games nous a mijoté, avec son dernier titre édité par Devolver Digital.
Je suis encore sous le choc de l’esthétique brutale de Ruiner. Quand je clique sur NEW GAME, des lettres massives et audacieuses claquent sur mon écran en rouge vif. Des caractères chinois et des bandes d’avertissement sont éparpillées sur des trottoirs encombrés de câbles. Des éclats de lumière stroboscopique m’éblouissent à chaque fois que mon objectif est actualisé. Le rendu contient tellement d’aberration chromatique, à côté Far Cry 3: Blood Dragon ressemble à une nature morte. Je n’ai finalement pas chopé la migraine que je redoutais, mais je ne conseille pas de jouer à RUINER avant d’aller se coucher !
La palette du jeu est un hommage vibrant au spectre cyberpunk, avec des couleurs primaires néon-ROUGE et de l’artificialité sursaturée. Les ennemis et les NPC portent la garde-robe du futurisme des années 1980: les crêtes Punks, les débardeurs sales, les hommes de main avec leur coupe brosse « Vanilla Ice » et les vêtements de MC Hammer ! On citera aussi les mini-boss aux lunettes de soleil rectangulaires et les expressions faciales de pierre, tout droit sorti d’un manga de Katsuhiro Otomo. Le jeu propose une vision solidement ancrée dans l’Animé japonais et le film cyberpunk d’auteur. Ce qui donne aux zones de combat surchargées (par des machines et de déchets électroniques), une sensation de claustrophobie accentuée. Comme la plupart des œuvres du genre, la ville joue un rôle plus crucial dans l’établissement du ton. Dans Ruiner, il s’agit de Rengkok. (eh non, pas de Néo-quelque chose cette fois ! Par contre, on a bien la méga-corporation futuriste et tentaculaire en toile de fond)
Rengkok c’est l’endroit où j’ai eu mon plus gros coup de cœur sur Ruiner. Ce n’est pas un centre tentaculaire ou un labyrinthe de plusieurs quartiers, mais j’ai erré dans ses dédales avec émerveillement. Ses ruelles étroites et ses murs teintés de graffitis, donnent l’impression d’un bidonville pourrissant sous les ombres des gratte-ciels des mégalopoles. Bien que je sois déçu par sa petite échelle, on a droit à quelques blocs ouverts et quelques toits exploitables. Et puis quel plaisir de tomber nez à nez avec une bande de bikers qui discutent autour d’un bolide ressemblant fortement à la moto rouge d’AKIRA ! C’est aussi via ce Hub que l’on peut profiter du système de dialogue à choix multiples, récupérer des quêtes et faire progresser la narration. La ville rappelle beaucoup les différents lieux de la trilogie Shadowrun, un autre jeu indépendant et cyberpunk (mais qui intègre de la magie et des races Fantasy !)
Les Creeps, le premier groupe d’ennemis que j’ai été refroidir, incarnent le mieux la façon dont Ruiner contextualise magistralement sa pénible difficulté. Forcés à une survie désespérée, les Creeps se sont gavés d’implants et de cybernétique pour accélérer leurs mouvements et augmenter leur précision. Descendre dans leur antre (un complexe de parkings souterrains), donne le même ressenti que les couloirs d’un royaume oublié. Leur chef, un gamin aux cheveux hérissés appelé Nerve, a mis de côté sa nature mercenaire pour me défier dans un combat à l’épée honorable. Quand il est temps de se battre, le combat est rapide et fluide, une danse d’esquives, des assauts nerveux et violents, des retraites flottantes et tout un ensemble de capacités et de synergies. Les contrôles à la souris sont différents du gamepad : elle permet d’avoir un repère précis de la visée alors que le pad propose une configuration de twin-stick shooter.
Jouer à ce titre en difficulté maximum est un vrai défi en soi, mais à aucun moment on s’énerve contre le jeu (maintenant qu’il est patché, voir plus bas), la responsabilité de nos échecs nous incombent systématiquement. On retrouve clairement les influences de HOTLINE MIAMI (aussi édité par Devolver Digital), mais pour certaines salles on est plus proche du Puzzle environnemental que du Shoot’em Up / Twin Stick 3D. On se retrouve très rapidement à déclamer « juste un niveau de plus !« . L’addiction est accentuée par la foule d’armes à feu et de mêlée, larguées par les ennemis et dispersées à travers les niveaux. Le choix est vaste et les « gun-feels » variés : des fusils balistiques classiques, des lanceurs de disques explosifs, des lance-flammes, des chain-guns, des canons à faisceau de particules et bien d’autres encore (mais j’ai très (trop ?) souvent opté pour le combo fusil + lame). Ruiner est à son apothéose vidéo-ludique dans un combat acharné, éclaboussant l’écran d’effets de particules, d’une chorégraphie d’animations fluides, de feedbacks visuels intenses, d’explosions orange vif et de membres ensanglantés (virevoltant avec la physique réaliste du moteur 3D). Le tout sur fond de synth-wave techno dubstep de très bon gout ! (et c’est un « métal-head » qui vous dit ça)
Au registre des points négatifs (car il y en a malgré tout), la variété des ennemis est vraiment limitée. On regrette un manque flagrant de boss et de mini-boss tout le long. Les mécaniques de gameplay des archétypes ennemis ne sont pas vraiment innovants et n’apportent rien d’un point de vue stratégique. Soit on se fait charger au corps à corps, soit on a affaire à des tireurs d’élite à distance. On notera aussi la répétitivité du level-design. Bien que les environnements changent tout au long de la campagne, on ne peut pas s’empêcher de noter le format « corridor, arène d’ennemis, corridor, arène d’ennemis… » qui se répète jusqu’à écœurement. Il y avait aussi un gros soucis d’équilibrage, « Day 1 », qui a été corrigé avec les nombreux patchs déployés récemment. Le système de loadout et de progression à base de Karma (la monnaie du jeu), ainsi que des compétences à débloquer, sont malheureusement sous exploités (inutile à partir du moment où l’on trouve celui qui nous convient). À aucun moment le jeu nous force à varier notre approche. Enfin, on appréciera l’ajout de différents modes de jeux (pour réaliser du scoring, des challenges, et via des futurs DLC) qui renouvellent un peu l’expérience. La durée de vie de la campagne est malheureusement assez limitée.
Note : 7/10 BON
J’ai terminé Ruiner en un peu plus de sept heures. La fin est tombée soudainement, un fade-out brusque débouchant sur les crédits après avoir voyagé à travers les 15 secteurs du jeu (et déjoué une rencontre finale qui n’avait pas l’impact que j’espérais). Malgré cela le titre est à l’image de ses inspirations : brut, punk, une mécanique de haute précision entachée par quelques « glitchs » du cyberespace ! Son gameplay est un ravissement pour les amateurs de challenge et de shooters ultra nerveux à la Hotline Miami. Son univers apportera à tous les junkies de Cyberpunk leur dose de came pour un petit moment ! La rejouabilité est faible, mais le titre n’est pas non plus tarifé de manière excessive, 19,99€. On le recommande donc, maintenant que les quelques soucis techniques et mécaniques ont été corrigés.
Au sujet des Patchs : Le mode facile est maintenant accessible à tous, le mode normal vous permet de voir l’écran de mort un petit peu moins souvent et le mode difficile propose dorénavant des ennemis moins « éponges à balles ». Toutes les armes à distances ont des projectiles plus rapides. On ne sait pas trop si les balles des ennemis ont aussi eu droit à cette accélération. Enfin, certains fusils à pompe ont vu leur cône de dégâts réduit, rendant vos armes plus précises et facilitant la visée sur les ennemis lointains.
Et là, on a uniquement fait le tour du Patch #1, sachant que la semaine dernière le studio a déployé deux autres patchs additionnels. On est donc au Patch #3 et l’équilibre général a encore été modifié, ainsi que des crashs bureau solutionnés. La possibilité de paramétrer la totalité des touches, qu’on soit au clavier/souris ou au gamepad est enfin d’actualité, accompagné d’améliorations graphiques et sonores sur l’ensemble du titre.
Une dernière chose au sujet de l’actualité récente du titre : le studio cherche des traducteurs pour porter le jeu dans différentes langues. Il faut être expert en anglais (bien entendu) et dans sa langue natale et contacter l’équipe via le forum Steam : http://steamcommunity.com/games/464060/announcements/detail/3012205666570530592
Page Steam : http://store.steampowered.com/app/464060/
Page PSN : https://www.playstation.com/en-us/games/ruiner-ps4/
Page Xbox : https://www.microsoft.com/fr-fr/store/p/ruiner/9nlqtdkd0pmt
Site officiel (superbe) : http://ruinergame.com/